La Guinée, joyau de l’Afrique de l’Ouest, semble se trouver à un carrefour, entre l’espoir d’un futur démocratique et le poids d’une histoire marquée par l’autoritarisme. Depuis son accession à l’indépendance, en 1958, le pays a connu une succession de régimes qui, au fil du temps, ont imposé une forme de gouvernance où répression et viols des droits humains sont devenus des pratiques systématiques. Mais aujourd’hui, une question cruciale se pose : le peuple guinéen mérite-t-il la dictature s’il ne se bat pas pour sa liberté ?
Une histoire de souffrance et de résignation
À chaque époque, le peuple guinéen a dû faire face à des régimes répressifs. Ahmed Sékou Touré, figure emblématique de l’indépendance, a instauré une dictature qui a laissé derrière elle des cicatrices profondes. Puis sont venus Lansana Conté et Alpha Condé, dont les mandats ont été marqués par des violations flagrantes des droits humains, la corruption endémique et des luttes de pouvoir dévastatrices. Le coup d’État militaire du 5 septembre 2021 a révélé, une fois de plus, que la stabilité politique reste un mirage, la démocratie un rêve lointain.
Pourtant, malgré les injustices, les violences et la répression, une question fondamentale demeure : pourquoi ce cycle semble-t-il se répéter ? Pourquoi, après tant d’années de souffrances collectives, semble-t-il que le peuple guinéen n’arrive pas à briser les chaînes de l’autoritarisme ? La réponse réside en grande partie dans la résignation, dans cette peur ancrée au plus profond de l’âme collective, héritée des années de répression. La crainte des représailles, la fragilité des institutions démocratiques et la faiblesse des forces d’opposition engendrent un climat où le combat pour la liberté semble insurmontable.
La dictature comme « mal nécessaire » : une illusion fatale
Pourtant, face à cette impasse, certains peuvent encore être tentés par l’idée que la dictature, aussi dure soit-elle, peut offrir une stabilité relative. Ce raisonnement simpliste, souvent répandu parmi les masses, repose sur une illusion pernicieuse : celle qu’une main de fer serait la seule solution pour gérer un pays où l’anarchie semble parfois dominer. Mais cette approche n’est qu’un leurre. Car derrière cette « stabilité » apparente, c’est le prix de la liberté qui est payé : des vies brisées, des rêves écrasés, une société privée de son potentiel créatif et d’un avenir plus juste.
Le véritable danger réside dans le confort de cette soumission, dans cette idée que la dictature, aussi tyrannique soit-elle, est le moindre mal. Il faut rappeler ici que la stabilité politique n’est pas un synonyme de liberté. À long terme, un régime autoritaire érode les fondements mêmes de la nation. Et quand le peuple cesse de se battre pour ses droits, il scelle, à son corps défendant, son destin sous la férule des oppresseurs.
L’engagement : une nécessité vitale pour l’avenir
Mais faut-il pour autant accuser uniquement les dirigeants ? À qui incombe la responsabilité de ce statu quo ? En réalité, la responsabilité du peuple guinéen n’est pas à négliger. La liberté n’est jamais donnée sur un plateau d’argent, elle se conquiert, elle se défend. L’histoire des peuples qui ont renversé les régimes oppressifs, de la révolution tunisienne de 2011 à l’indépendance des pays africains, témoigne d’une vérité fondamentale : la liberté exige un combat, un engagement permanent. Et la passivité n’est pas une option.
Oui, il est temps que le peuple guinéen prenne conscience de son pouvoir. La liberté ne peut pas reposer sur les seules épaules d’une poignée de militants, ni sur un petit groupe d’élites politiques. Elle est l’affaire de tous, de chacun de ses citoyens. Chaque Guinéen, en refusant la soumission, peut être un acteur du changement. Le passé a été marqué par des luttes héroïques, par des sacrifices de ceux qui ont payé de leur vie pour que la liberté voie le jour. Mais la mémoire de ces luttes ne doit pas être une simple commémoration. Elle doit devenir une force vivante, un moteur pour la jeunesse d’aujourd’hui, pour tous ceux qui aspirent à un futur où les droits humains et la dignité sont des valeurs respectées et protégées.
La liberté n’est pas un cadeau, mais une conquête
Il est insupportable de continuer à accuser les régimes successifs sans se demander pourquoi la révolte n’a pas été plus massive, pourquoi la contestation populaire n’a pas été plus forte. La liberté ne peut pas se contenter d’être un vœu pieux. Elle doit être arrachée. Et il appartient aux Guinéens de décider s’ils veulent encore vivre sous la dictature ou s’ils sont prêts à se lever et à mener une véritable bataille pour leur liberté. Cela passera par l’organisation, par l’unité, et par la détermination de ne plus accepter l’inacceptable.
Le peuple guinéen, comme tous les peuples du monde, mérite un avenir sans chaînes, sans répression. Mais ce futur ne viendra pas tout seul. Il viendra de ceux qui choisiront de s’engager, de se battre, et de revendiquer leur place dans un monde libre. Ceux qui se battent pour leur liberté ne méritent jamais la dictature. Ceux qui refusent ce combat, en revanche, risquent de voir leur destin lié à l’oppression, à la peur et à l’injustice.
Ainsi, oui, si les Guinéens ne veulent pas se battre pour leur liberté, ils mériteront la dictature qu’ils subiront. Mais s’ils décident de se lever, de refuser la soumission, alors ils auront entre leurs mains la clé de leur propre destin. La liberté, comme toute grande conquête, est d’abord un acte de volonté collective. Et cette volonté, il est grand temps qu’elle se manifeste.